Témoignage pour Christelle Cuinet, biographe de l’association « Traces de vies ».
De Séverine, 44 ans, cancer métastasique osseux et hépatique.
« La nouvelle est tombée telle un couperet : une récidive, une rechute, peu importe le terme, mon cancer stable depuis presque deux ans s’est « généralisé avec organes vitaux atteints, il n’est pas guérissable », dixit le médecin.
Tout s’enchaîne à grande vitesse : présentation de l’équipe médicale, soins à venir,...
Témoignage pour Christelle Cuinet, biographe de l’association « Traces de vies ».
De Séverine, 44 ans, cancer métastasique osseux et hépatique.
« La nouvelle est tombée telle un couperet : une récidive, une rechute, peu importe le terme, mon cancer stable depuis presque deux ans s’est « généralisé avec organes vitaux atteints, il n’est pas guérissable », dixit le médecin.
Tout s’enchaîne à grande vitesse : présentation de l’équipe médicale, soins à venir, opérations ; mon agenda se remplit tel un ministre! Le temps, « mon temps » m’échappe, et avec lui ma liberté.
Je n’ai pas peur, ni de la maladie, ni de la mort, je ne suis pas triste non plus. J’ai peur pour mes enfants, mon mari, ma famille. Ce sont vers eux que vont toutes mes pensées.
À partir de ce moment, je n’ai qu’une idée en tête : que tout soit prêt pour eux au moment du départ : avocat, notaire, assurance-vie, sécurité sociale, tout y passe et pourtant je sens qu’il me manque l’essentiel que je ne peux expliquer.
Je rencontre la psychologue de l’hôpital à qui je fais part de toutes ces pensées. Elle me demande si j’ai déjà pensé à écrire. Je lui avoue que cela fait deux ans qui j’y pense, mais que finalement je ne fais qu’y penser, car je ne prends pas le temps, je ne sais pas comment commencer, quoi écrire, à qui, je n’ ai aucune idée de comment procéder et pourtant, en en parlant, je comprends que c’est le maillon qu’il me manque.
Elle me parle alors de l’association « Traces de vies » dont la biographe, Christelle Cuinet, rencontre les malades à l’hôpital, ou chez eux, souvent des grands-malades, en soins palliatifs, en fin de vie, des enfants...pour mettre par écrit leurs pensées, écrire leur biographie pour offrir un livre à leur famille.
Et me propose de la contacter pour moi dans un premier temps et savoir si elle souhaiterait me rencontrer.
J’accepte sans hésiter en espérant au fond de moi que Mme Cuinet ait une petite place dans son emploi du temps pour venir me voir, et en même temps je n’y crois pas trop, le nombre de malades est important, son emploi du temps très chargé.
Pourtant, elle accepte que je l’appelle. Je suis heureuse! Et tout va très vite, le premier RDV est fixé dès la semaine qui suit, le jour de mon hospitalisation : jeudi 10H.
Je suis très motivée, je vais prendre ma plume pour le jour J.
Mais les jours passent et je n’arrive rien à préparer. C’est encore plus stressant, j’en ai presque honte!
Jeudi 10H : on frappe à ma porte. Je stresse.
La porte s’ouvre sur un large sourire, un vrai sourire serein et bienveillant, naturel.
Christelle se présente et je m’aperçois que tout son visage, et elle tout entière n’est que sourire.
La sérénité s’installe dans la chambre en même temps qu’elle sur le fauteuil. Je sais à ce moment-là que tout se passera bien et je suis rassurée.
Christelle me présente l’association « Traces de vies », son but d’aider les personnes à laisser un témoignage de leur vie à leurs proches, sous forme de livres ou lettres, option que je choisis pour que mes enfants, conjoint et proches puissent avoir une épître personnalisée, avec des pensées et paroles appropriées pour chacun.
J’explique que je n’ai rien préparé, qu’en fait je ne sais pas du tout par quoi commencer, ma tête est vide comme mes feuilles! Christelle me rassure et me dit que c’est normal, qu’elle est là pour m’aider, qu’il faut également prendre le temps des silences, que ce n’est pas du temps perdu, ni pour elle, ni pour moi.
Christelle me demande à qui je pense au moment où elle me parle, et c’est à mon fils, onze ans, qui est le plus anxieux à cette période.
Christelle m’explique qu’on pourra tout réorganiser ensuite, insérer un début, une fin, ajouter des éléments, qu’il faut juste commencer à lui dire ce que j’aimerais qu’il entende et que tout s’enchaînera. Elle a raison une fois de plus.
Je commence à parler, à pleurer, à beaucoup pleurer, et parler encore et encore, je n’arrête plus, je suis dans ma bulle avec Christelle, il y a longtemps qu’elle m’a fait oublier ma chambre d’hôpital, je ne m’en rends compte qu’à ce moment, l’émotion est très intense. Je suis heureuse malgré les pleurs et la maladie. Je me rends compte que j’ai tellement de choses à lui dire, à transmettre !
Parfois je n’ai qu’une idée générale, je lui en fais part en décrivant le caractère de la personne à qui j’écris, et systématiquement, elle m’offre la phrase juste qu’il me manquait, tout est parfait.
Le RDV suivant, elle me relit ce que j’ai dit, tout est strictement fidèle à mes pensées, elle m’aide à corriger certaines formules pour rendre le texte encore plus beau et avec son œil d’experte et extérieur, le rendre plus compréhensible pour son destinataire.
À la relecture, je suis très fière, je n’en reviens pas de ce que j’ai pu dire.
Ce sera une des parties de ma vie qui m’aura donné le plus de satisfaction, de fierté : le devoir accompli.
Les formalités sont une chose mais une lettre personnalisée qui accompagnera mes êtres les plus chers tout au long de leur vie, c’est ce qui me manquait, et au final, ce qui est le plus important.
Dans ces lettres d’encouragements, de reconnaissance, de conseils, d’amour, je m’aperçois que j’en ai dit plus en quelques pages que dans toute une vie.
Grâce à Christelle et à l’association « Traces de vies », je resterai présente à chaque instant vécu par mes proches, je continuerai à vivre à travers mes mots fidèlement retranscrits.
Malgré ces moments qui pourraient sembler douloureux et triste, il n’en est rien.
Christelle, de par sa personnalité, sa présence, sa sympathie m’a apporté beaucoup de bonheur et de joie.
Le fait d’avoir un nombre de lettres à écrire, un nombre de RDV donnés dès les débuts me donne un nouveau but pour poursuivre. Il n’est pas question que tout s’arrête avant ! C’est ce qui se passe dans ma tête. Cela me donne de l’espoir, j’ai envie de finir ce que j’ai commencé, envie d’offrir moi-même le livre et d’être à leur côté en même temps qu’ils le découvriront et de les voir s’en servir. Ce sera pour moi un grand moment de joie partagée, d’une grande intensité. C’est un nouveau booster dans mon existence.
Nos retrouvailles lors des RDV sont un vrai bonheur pour moi qui me font oublier tout le reste. Penser à autre chose que des soins et à la maladie ne peut être qu’un bénéfice pour ma santé. Il faut des objectifs pour avancer et faire reculer l’heure venue, et cette étape d’écriture entourée et maîtrisée par Christelle me permet de franchir les épreuves difficiles.
Les moments de joie sont également partagés par mes proches, nous avons organisé plusieurs séances photos, pour le livre mais du coup aussi pour nous! Beaucoup de sourires, de jeux, ce sont des vrais moments de présence autour de moi, de gaieté partagée que je n’avais pas connu depuis le début de ma maladie. Un lien plus fort s’est créé entre nous tous.
Ma rencontre avec Christelle m’a ouvert d’autres horizons et m’a fait découvrir une nouvelle qualité que je ne soupçonnait pas : l’écriture!
J’ai une infinie reconnaissance que je ne pourrai jamais récompenser comme je souhaiterais le faire.
Les RDV suivant le premier ont été attendus avec beaucoup d’impatience : son professionnalisme, ses paroles et surtout son écoute, une vraie écoute attentive, personnalisée comme il n’en existe plus aujourd’hui, démontrent une vraie vocation.
La maladie nous fait passer à l’action, mais je conseillerais également à toutes personnes bien portantes de laisser ces témoignages qui n’ont pas de prix.
Je lui ai dit à chaque séance, mais le mot est petit et j’aurais aimé lui donner plus d’ampleur, mais il résume tout d’une manière très simple,
MERCI,
MERCI à Christelle pour tout ce qu’elle est, ce qu’elle m’a permis d’accomplir dans ma vie.
MERCI à l’association « Traces de vies » qui rend possible ces grands projets, qui permet de « rester en vie après la mort ».
MERCI de la part de mes enfants, de mon mari, de ma famille qui grâce à vous, ont une partie de moi à emporter partout avec eux.